Océane Rauzy

Seize jours

Seize jours, voilà le temps qu’il me reste avant que ma vie prenne un nouveau tournant, ou plutôt revienne au même point qu’il y a deux ans. Ce rêve s’achève, ce voyage de deux ans, cette aventure, cette découverte de mon milieu. Ma place. Deux ans que moi, Océane rencontra l’océan, chose non prédestinée pour une fille terrienne, partagée entre la campagne et la ville dont rien ne me reliai à cette étendue, à part ce prénom.

Non je n’ai pas les yeux bleus, je ne vivais pas près de l’eau, aucune activité nautique, rien de rien et pourtant, c’est le rêve d’un beau père aventurier qui m’y mènera avec ma mère. Et aujourd’hui je les remercies, je ne regrette rien comme le chante la mélodieuse Édith Piaf.

A ce jour, à presque 17 ans, j’ai au compteur une traversée de l’Atlantique,une dizaine de pays parcourus,une trentaine de rencontre voir plus et j’ai gagné beaucoup de choses tel qu’une grande ouverture d’esprit,une maturité, une sensibilité pour ces gens non européens que l’on ne voient qu’à la télé mourir de faim,dans la drogue mais en vérité on nous voile la face. Ces populations tel que les Africains ou les Brésiliens sont pauvres, pour certains malades, ne connaissent pas ce qu’est un bonbon pour les plus jeunes ou ou est la France pour les plus vieux. Ils vivent sous des feuilles de bananiers ou dans des bidonvilles mais eux, malgré tout cela nous accueillent avec le sourire et ont la joie de vivre. Nous les français, râlons parce qu’on a froid ou parce que les pâtes sont trop cuites dans tout le luxe dans lequel nous vivons et nous ne sommes pas capables d’êtres souriants, positifs ou tout simplement polis ….

J’aurais beaucoup appris tel que vivre dans l’inconfort,voir le bon côté des choses,vivre hors de la consommation, s’amuser sans avoir consommer(n’étant pas sous l’emprise de quelconques substances), le respect… Je n’irai pas plus loin car je n’écris pas pour donner une leçon de morale; mais juste pour remercier ces personnes qui m’ont pousser à faire ce voyage, avec qui j’ai passés de bons moments, qui m’ont fait sourire dans les jours sombres mais aussi je remercie ma maison flottante qui m’a amener à destination et tous ces vrais amis qui, lorsque je suis rentrée en France, où j’étais totalement perdue m’ont réappris à m’intégrer.

Dans quelques jours je vais quitter cette vie nomade, « gitanesque », pour revenir à cette horrible vie monotone de lycéenne en internat qui va être une chose toute nouvelle pour moi qui ai connu que la vie de collégienne et pour confort les tropiques, l’eau, le sable blanc et un lit deux places dans le bruit des vagues et du vent.

Je ne veux point quitter le cœur de l’océan mais je le dois c’est comme ça, pour finir l’adolescence suivi de la vie d’adulte dans laquelle je sais au fond de moi que je serai ramener par « l’appel de l’océan »…

Ainsi,je n’oublierai jamais mes amis terriens mais aussi mes amis de l’eau, amis de 24h ou de 2 ans qui m’ont donner envie d’explorer le grand bleu…

 

Océane

Mouillage à Tobago

La nuit tombe lentement dans le mouillage abrité du vent , nous sommes une dizaine de bateau. Le plan d’eau est semblable à un lac. Pas une ride…

Chacun retrouve à son tour sa maison. Ainsi, de mon hamac, installée à l’avant du bateau, j’aperçois

des groupes de aras, piaillant, tout en volant en direction des grands cocotiers. La lumière du soleil laisse place aux lumières artificielles du petit village. Je peux entendre une légère musique reggae, semblable à Bob Marley. Il n’y a presque pas de vent mais nous ne sommes pas dérangés par les insectes.

Par instants, une légère brise se lève et, le temps de quelques secondes, fait tourner l’éolienne qui émet un petit bruit de brassage. Le pavillon flotte dans l’air, le ciel lui, est totalement dégagé.

Sur la côte rocheuse, les feuilles de cocotiers s’agitent, faisant un léger bruit de craquement pour les plus desséchées. Par moment, le calme est troublé par une barque de pêche rentrant à domicile après une journée en mer. Alors, tout s’agite par les vaguelettes crées par la barquette… L’eau mousse,les bateaux balancent et les goélands, perchés en haut des mats s’envolent par des battements d’ailes pas très gracieux, tel est la nuit dans le mouillage de Charlotteville…

Océane

Présentation de l’équipage et de notre maison

Capitaine

Baroudeur pass partout et demandant d’aventures qui arrive à se faire passer pour un marocain ou encore un brésilien , on ne peut rêver mieux ! Mais … quelques points négatifs comme son coté « lève tôt » ou encore cette recherche de fraîcheur qui entraîne moussaillonnes à 4h du mat sous la pluie pour une navigation « fast and furious » . Mmmm on ADORE !!! Mais non je rigole, on l’aime bien notre commandant quarantenaire.

Paré à virer les filles ?!

Oui chef ! Aller c’est bon on sait que tu est au top, mais bon, je croyais qu’il y avait que les mannequins qui ont le droit de tomber la chemise ?!

Seconde

Caroline,combien de fois on t’a déjà dit que ce n’est pas une corde, mais un bout ! Un américain se jetterait à l’eau à t’entendre !!

Ma mère,femme des montagnes,de la campagne ou encore de la ville , il ne manquait plus que la mer , c’est qu’ils se sont bien trouvés les deux tourtereaux !

Maman , c’est une maman quoi.. Malgré qu’elle préfère faire du moteur que de la voile et que dès que ça bouge un peu elle est patraque,elle arrive toujours à redonner le moral aux troupes : faire des bougnettes en pleine traversée de l’Atlantique,un bon poulet colombo ou encore sortir des bêtises à tout bout de champ quand il n’y a pas trop d’ambiance …

Comme partout mesdames et messieurs,il y a des hauts et des bas… mais qu’est-ce qu’on rigole bien sur Tahaa ! Toujours partante, elle ne dit presque jamais non .

Caroline, aller on part en nav !

« Attend j’ai pas fini de faire la semoule » !

Et en avant la croisière s’amuse …

Petite moussaillonne

Jade, ma petite sœur, 6 ans . Mignonne petite fille qui vit bien la vie en bateau. La nav n’est pas u n problème pour Jade, il faut dire qu’on est une famille qui s’adapte assez facilement !

Cette petite princesse arrive à rester à l’intérieur du bateau en navigation alors qu’il doit faire 30 degrés, pas beaucoup d’air ,ça bouge, ça penche et elle regarde un dessin animé ! On n’a pas à se plaindre. Jade est toujours partante pour faire de longues distances, mais à condition qu’en arrivant il y ait des bateaux que l’on connaisse et surtout des enfants de son âge .

C’est une pile et sort souvent l’argument « je m’ennuie » contre lequel on ne peut contester !

-Bon aller, on va faire du kayak ?

-Non -Voir les poissons ?

-Non -On se met du vernis sur les pieds ?

-Oui !!!

Grande moussaillonne (moi)

L’ado de 17 ans , traînée de force par ses parents (il vaut mieux que je rectifie mes mots pour ne pas avoir les oreilles qui vont siffler ) donc, comme toute ado de mon âge , partir en bateau ne me rendait pas très enthousiaste à l’idée d’avoir les parents 24 /24h et de ne pas trouver des gens de mon âge dans la même situation !

Sinon, je me suis très bien adaptée et je ne veux plus quitter mon bateau ; je participe à la nav et aux taches quotidiennes (donc je suis utile c’est déjà un bon point), mais bon il m’arrive d’en faire un peu trop : il faut dire que j’aime lorsque mon bateau brille : « Océane arrête de frotter à force il ne va plus y avoir de gelcoat ».(Il y aura toujours au pire les bougnettes de maman pour colmater le trou. )

Bon aller, fini de papoter j’ai du boulot, il faut mettre l’annexe à l’eau : Aaaaahhh vite vite venez m’aider l’annexe coule !! Normal, me faire travailler à 8h du mat ça a des conséquences (j’ai juste oublié de mettre un stupide bouchon) !

Tahaa ou la maison flottante

Ah oui c’est un bateau de série ? Eh oui !

Un bateau de voyage est le plus souvent un bateau de petite série ou une pièce unique toute en aluminium ou en acier et conçu pour voyager, c’est à dire : appareils électroniques qui ne consomment pas trop et cie , une surface de grande voile pas très imposante pour se sentir plus en sécurité par gros temps ; c’est à dire, tout l’inverse de nous .

Alors on entend des « Vous êtes hors normes » ou bien encore « il n’est pas fait pour votre type d’aventure » .. Et alors ? On n’est pas comme les autres c’est vrai, mais on est bien chez soi et c’est le plus important ! Et puis on fait avec ce qu’on a et nous avons réalisé en quelque sorte un petit défi …

Monocoque de 14 mètres construit par le chantier allemand Hanse , ce 46 pieds ( ne cherchez pas à multiplier la taille de votre pied pour arriver a faire 14, car ça ne marchera pas) issu d’une moyenne série , taillé plutôt pour la régate ou pour les vacances côtières, est caractérisé par son très grand mat lui donnant donc une importante surface de grande voile .

Bref, on a fait de notre coque de polyester un bateau de voyage ! Et nous en sommes très contents, car notre maison vogue à travers le globe , ne nous pose aucun problème et nous mène en toute sécurité .

Ou est Tahaa ? Cherchez un grand mat (oh une étoile ! Bah non c’est juste le feu de mouillage), des tissus jaune pétard (oh mon bateau , roi des bateaux que j’aime ta parure) et un pavillon français de 1 mètre de large sur 2 mètres de long (on fait concurrence aux américains) .

Fier d’être français ? Ah ça oui !

 

OR

Navigation nocturne

Cela fait maintenant plusieurs jours que l’on navigue. La nuit approche,il va bientôt être 18h, c’est au tour du capitaine de barrer pendant deux heures.

La fatigue commence à se faire ressentir dans la troupe. Le bateau avance bien,le soleil se couche.Il est temps d’allumer les feux de navigation et pour nous, d’enfiler une veste et le gilet de sauvetage. On a beau être sous les tropiques,on ne refuse pas une petite laine.19h30, ma petite sœur regarde un dessin animé depuis environ 17h30. Les estomacs commencent à gargouiller,appelés par les bonnes odeurs du repas concocté par ma mère. Nous mangeons tranquillement,le bateau est à plat par notre allure vent arrière.

20h,le tour de ma mère commence; le capitaine donne les directives et part se coucher,profitant de ses quatre heures de sommeil. Ma sœur entre temps est partie dormir après avoir été rassurée par la présence maternelle dans sa chambre,ou l’on entend le bruit des vagues roulant sous la puissante carène. Pour ma part je dors dehors sur le pont,préférant l’air frais et sortant de mon sommeil plus facilement qu’en étant dans ma cabine… Je regarde quelques instants les étoiles , me programmant un réveil à 22h puis,je plonge dans un léger sommeil ou plutôt une somnolence,prête à bondir en cas de problème.

Deux heures, ça passe vite. Je prends la barre après m’être bien réveillée. Ce soir ma mère dort dedans. Ainsi,je me retrouve seule devant cet océan et ce ciel découvert, laissant voir ses milliers de paillettes.Il y a du vent , je n’aie pas peur d’empanner. Mes yeux sont habitués à l’obscurité et,en levant la tête je vois ce grand triangle blanc,moteur du bateau. Il est gonflé par le vent,imposant,frémissant légèrement. Je lui trouve quelque chose d’esthétiquement beau. Si je lève un peu plus la tête, j’aperçois le haut du mat,signalé par un feu rouge et un vert .

Je suis détendue,je n’aie ni froid ni faim ni soif , tout va bien .. Le temps passe .. Les vagues soulèvent le cul du bateau pour s’engouffrer sous son corps. Il faut suivre le mouvement avec la barre et non le contraindre . Le bateau danse . Je suis bercée . Je garde ma route en suivant les chiffres du compas éclairés par une neutre lumière rouge. Les chiffres tournent de gauche à droite et de droite à gauche sur la vague. Je me concentre pour ne pas faire d’écart, je fixe cette boule magnétique qui m’hypnotise.

Aller, je me ressaisis, plus que trente minutes. Les minutes paraissent des heures … Je m’éveille un peu en me secouant puis je me mets à chantonner pour ne pas céder aux appels diaboliques. Ainsi, je regarde constamment mon portable qui m’éblouit de sa forte luminosité en me ramenant à la réalité .

Par moment, lorsque je regarde l’eau, je m’effraie en prenant le bruit de la déferlante pour un quelconque individu vivant dans l’eau. Je sursaute, j’ai peur, mais je ne peux l’expliquer.. Mais je sais que parfois, ce n’est pas que le fruit de mon imagination, car il y a bel et bien au moins une fois dans la nuit, un quelconque cétacé ou mammifère curieux qui viens se joindre dans la danse des vagues ou bien qui pour je ne sais quelle raison,viens prendre un bol d’air iodé hors de l’eau à la grande frayeur du barreur !

Souvenir de Guyane

Je suis seule, les parents sont partis tôt ce matin se balader en voiture. Aucune nouvelle,aucun moyen de communication et je ne sais à quelle heure ils vont rentrer. Il est maintenant 18h passé..

Je regarde le niveau des batteries du bateau, tout va bien elles sont à bloc. Il n’y a rien à faire, pas de télé , rien à la radio à part de la musique créole ou du zouk… Sous une petite lampe à LED, je décide de m’installer au salon sur le canapé en cuir blanc poisseux à cause du taux d’humidité battant des records.L’air est étouffant. La nuit tombe doucement le temps que j’installe les moustiquaires, me préparant à l’attaque des petits buveurs de sang fort redoutables.

Je choisis de lire un livre morbide de Stephen King. Tout est calme .. prise dans mon livre je me rappelle tout à coup que je suis seule sur un fleuve,seul bateau habité du mouillage de Degrad de Cannes , près du port si on peut appeler ça un port .

Je peux entendre sous la coque du bateau l’eau déchaînée glissant sur le gelcoat ,énervée par le fort courant de la marée montante . Mais aussi,il y a des crépitements et des raclements,signes de vie dans cette eau boueuse . Je m’amuse à me faire peur avec ces bruits inattendus comme les craquements de la boiserie intérieure qui travaille , elle aussi vivante .

Je ne peux sortir dehors,c’est l’heure du repas pour certains et je n’aie point envie de me badigeonner de crème répulsive et de faire rentrer au passage,quelques-uns de ces petits individus qui nuiraient à notre sommeil par leur vacarme incessant ou par leur piqûre irritante .

Dehors se mêlent les chants des bêtes de la forêt équatoriale.. Je distingue un chant d’insecte,de volatile et d’amphibien parmi beaucoup d’autres dont je ne peux savoir l’identité. La foret s’éveille en quelque sorte,on ne peut savoir ce qui s’y passe entre quelques cris,quelques craquements de branches …

Ainsi,seule dans mon canapé,prise par un coup de chaleur résultant de mon imagination débordante,je décide de mettre un fond musical et de chantonner pour oublier en quelque sorte ce qui m’entoure en attendant le retour attendu de ceux qui mettront fin à mes stupides frayeurs …

OR